jeudi 6 juin 2013

Sénégal : « Certaines zones du pays sont menacées de pénurie alimentaire »

L’abbé Ambroise Tine, secrétaire général de Caritas Sénégal, est en France à l’occasion de la campagne action internationale du Secours Catholique. Il témoigne des difficultés alimentaires que rencontre son pays.
© Sebastien Le Clezio/Secours Catholique L'abbé Ambroise Tine est secrétaire général de Caritas Sénégal, partenaire du Secours Catholique. -  JPEG - 25.5 ko
© Sebastien Le Clezio/Secours Catholique
L’abbé Ambroise Tine est secrétaire général de Caritas Sénégal, partenaire du Secours Catholique.

Un responsable de l’Office d’aide humanitaire de la Commission européenne (ECHO) a déclaré que le Sénégal faisait partie des pays à risque de pénurie alimentaire cette année. Confirmez-vous cette déclaration ?
Oui. Le Sénégal fait parti des pays de la zone sahélienne qui vivent sous la pression de la variabilité climatique. Régulièrement, si nous ne sommes pas victimes d’inondations qui compromettent les récoltes agricoles, nous subissons des sécheresses. Par ailleurs, le Sénégal doit s’accommoder d’une mauvaise répartition de la pluviométrie en terme de quantité et de durée. Les zones qui en souffrent le plus se situent au nord, au centre et à l’est du pays.

A-t-on réussi cette année à anticiper cette pénurie ?

Il n’y a pas eu d’anticipation, notamment par rapport à ce que nous appelons les zones à risques (ZAR) en insécurité alimentaire. Le Sénégal a enregistré en 2013 plusieurs ZAR au sein desquelles la période de soudure, qui s’étale de juillet à septembre, va être très pénible pour les ménages.

Pourquoi n’a-t-on pas réussi à anticiper cette crise ?

Il faut prendre en compte plusieurs facteurs : celui de la météorologie qui n’est pas certaine, celui de la disponibilité des terres adéquates pour l’agriculture, autrement dit la fertilité des sols, et enfin la disponibilité des intrants de qualité. Tout cela n’est jamais garanti. L’Institut sénégalais de recherches agricoles (Isra), organisme de l’Etat, a mis à la disposition des paysans des semences de qualité. Si cet institut fait un bon travail, les quantités dont il dispose ne sont toutefois pas suffisantes. Par ailleurs, l’Etat ne dispose pas de stocks alimentaires pour répondre aux besoins de la population. On se dirige donc vers une crise alimentaire dans certaines zones du pays.

Comment Caritas Sénégal peut répondre à la crise qui se profile ?

Actuellement, Caritas mène des enquêtes de terrain qui sont combinées avec celles du Programme alimentaire mondial (PAM) afin de repérer les besoins. Par ailleurs, notre organisation est membre de l’Equipe humanitaire pays (EHP) des Nations unies qui met en oeuvre un projet d’aide à la population en zone à risque. [Caritas Sénégal intervient essentiellement sur le volet alimentaire de ce projet à travers une assistance alimentaire et une aide pour une meilleure production agricole]
De plus, les nombreux programmes de Caritas Sénégal pour la sécurité alimentaire sont aussi un moyen de prévenir la crise alimentaire. Les projets hydrauliques que nous développons comportent un aspect agricole, c’est à dire qu’à partir de l’eau disponible, nous développons des activités agricoles pour permettre aux populations d’accéder à leur autonomie alimentaire, notamment en leur distribuant des intrants. Nous renforçons leurs capacités de production en les formant ainsi que leurs capacités de transformation des produits afin de consommer local. Il faut pousser les Sénégalais à produire et à manger local afin d’accéder à l’autonomie alimentaire. Cette année, Caritas a permis à de nombreux paysans de produire énormément de riz, de mil, d’oignons et de nyebe (haricot).
Toutefois, la sécurité alimentaire alimentaire de notre pays ne dépend pas que de la production tirée de la terre mais aussi de l’argent du contribuable. [Actuellement, au Sénégal, Karim Wade, le fils de l’ancien président, Abdoulaye Wade, est inculpé pour bien mal acquis.] Caritas Sénégal rappelle que les biens du pays sont destinés à tous et doivent être redistribués de façon équitable. Nous condamnons la corruption. Elle empêche le peuple d’avoir accès aux ressources du pays et de répondre à la forte demande sociale. Une fois que l’argent du contribuable sera bien utilisé, le nombre de zone à risque de pénurie alimentaire diminuera.
Propos recueillis par Clémence Véran-Richard
le Secours Catholique au Sénégal

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