samedi 17 octobre 2015

Au Sénégal, la fausse bonne idée du jatropha L’État sénégalais a voulu développer cette plante prometteuse en matière de biocarburants.

Mais les populations ont refusé de renoncer à des cultures vivrières traditionnelles. Le temps semble leur a donné raison.

En Wolof, la langue la plus parlée au Sénégal, on l’appelle « tabanani ». Mais dans les années 2008-2009, lorsque le pays s’en est pris d’engouement, tout le monde ne parlait que de « l’or vert du désert ». Car le jatropha a la particularité de résister à tous les climats, notamment celui aride de la bande sahélo-saharienne. Il réagit particulièrement bien au stress hydrique.

Tout a commencé à la fin des années 2000 lorsque l’ex-régime d’Abdoulaye Wade, critiqué en raison des nombreuses coupures d’électricité dans un pays dépendant des importations de pétrole est séduit par cette plante dont les graines regorgent d’huile permettant de fabriquer notamment des biocarburants.

Les agriculteurs sénégalais la connaissent déjà. Ils s’en servent pour construire des haies ou pour la pharmacopée. Mais ils ne l’ont jamais cultivée intensivement. Sans s’être penché sur les besoins réels de la plante et sur les risques pour l’agriculture locale (appauvrissement des sols, impact sur la biodiversité…), l’État sénégalais ambitionne alors d’étendre les champs de jatropha sur des départements et même des régions entières.

UN BILAN CATASTROPHIQUE
Cinq ans plus tard, « les projets Jatropha lancés par des promoteurs privés ou par l’État ont soit stagné soit régressé » affirme Ibrahima Diedhiou, chercheur au pôle agronomique de l’université de Thiès.

« Les paysans ne sont pas fous. Ils se sont obstinés à refuser de mettre leurs bonnes terres au service d’une plante qu’ils ne connaissent pas bien », se rappelle Laure Steer, chargée de programme du réseau jatroREF, destiné à faire avancer les connaissances sur la plante en Afrique de l’Ouest.

Quant aux exploitations lancées, le bilan a été catastrophique. En plus de fournir des rendements minimes par rapport aux quantités espérées, le Jatropha a fait l’objet d’attaques fongiques, faisant craindre des échanges pathogènes entre la plante et les cultures destinées à l’alimentation.

UNE EXPLOITATION QUI AURAIT COMPROMIS LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
« Heureusement que ces cultures n’ont pas enthousiasmé les agriculteurs, souligne Ibrahima Diedhiou. Dans une zone où la majorité des exploitations est destinée à une consommation domestique, l’exploitation intensive de Jatropha aurait compromis la sécurité alimentaire. » Seules une dizaine d’exploitations sont encore en activité.

L’unique bonne nouvelle semble provenir de groupements féminins qui transforment avec succès l’huile de Jatropha en savon, et assurent ainsi des revenus complémentaires aux agriculteurs…
Source:
la-croix .com

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