dimanche 21 avril 2013

Les géants de l'agroalimentaire se font encore désirer

Prévue pour le lundi 18 mars dernier, la Foire internationale de l'Agriculture et des ressources animales (Fiara) a finalement été clôturée jeudi 21 mars. Pour le plaisir du nombreux public venu découvrir ou chercher les produits des terroirs. Mais aussi, histoire de faire durer le bonheur de tous ces gens devenus des férus de cet évènement annuel mobilise l'énergie des producteurs de la sous-région soucieux de gagner une grande bataille : celle de faire la promotion du consommer africain. Du Mali, du Burkina Faso, du Benin, du Niger, du Sénégal en l'occurrence. Le mal est que des pays riches de leurs produits forestiers et de cueillette comme la Cote d'Ivoire, la Guinée, la Guinée Bissau, le Ghana ou encore le Nigeria brillent par leur absence depuis quelques années. Et, rien ne semble les pousser de sitôt vers cette fête de la moisson africaine
Après avoir gagné sa place dans l’univers des foires d’Afrique, la seconde grande Foire sénégalaise s’impose depuis cinq années comme un évènement économique majeur. Ne manque que le respect des promesses et engagements des pouvoirs publics africains qui ont du mal à donner à ses foras, toute l’envergure qu’il mérite. Une quatorzième édition qui s’est achevée un peu dans la satisfaction pour les uns, une petite déception par rapport aux attentes, pour les autres. La principale remarque aura encore été que c’est le côté agricole qui l’a emporté sur les productions d’élevage
Boycottées par les grands distributeurs, et bloqué dans sans ascension par les hésitations des grandes sociétés de transformation des productions agricoles et d’élevage, l’évènement marque le pas. A coté des produits carnés issus de l’élevage, la pêche est aussi hors des circuits, alors que c’est une activité primaire de première importance pour le pays. Chaque année l’on se dit que ces absences vont être corrigées, mais ceux qu’on voit à la place des gens de mer, sont des productions sans importance pour l’économie dont les seuls bénéficiaires restent ceux qui les proposent. Comme s’il ne fallait en faire qu’un tout petit rendez vous de la moisson sénégalaise et d’une certaine partie de la sous-région.
Vendeurs d’encens, de talismans, de perles (dial dialy) etc. Sont absents et gravement, les producteurs de lait qu’on connaît dans les zones de production de Rufisque en environnement, les producteurs de viandes (moutons, bœufs). En dehors de la volaille (le poulet essentiellement) quelques espèces exotiques comme la dinde font leur apparition dans de petites cages. Et la liste des manquements ne finit car du côté des organisateurs, on fait comme on peut avec ce qu’on a.
Pays de pêcheurs dans la zone fluviale et maritime, la foire est aussi un moment d’exposer et de montrer aux Sénégalais tout ce qui sort des zones humides en termes de mollusques, de cétacées et en matière de flore. Ce n’est pas trop demander à l’Etat qui promet un autre Sénégal, dans le langage mais qui en est encore bien loin.
Un espace de valorisation pour la recherche
Dans la même veine, réduite à un espace de cueillette, une activité de production primitive sortie de la préhistoire, la Fiara devrait aussi devenir l’occasion pour les centres de recherches (l’Isra, le Cnra (1), la Dpv, Africa Rice(2), Ceraas (3), Crodt (4), Ita, Dpsp (5), Sodefitex, L’Ecole nationale d’horticulture, Eaux et Forêts, l’Ecole Polytechnique, l’Ise, l’Ensa (6), l’Ird, l’Université à travers ses différentes facultés liées à la recherche etc. ), de faire un état des lieux par des expositions, des forums, rencontres sur les résultats obtenus au cours de ces cinquante dernières années.
Aussi, de projeter le Sénégal, sa recherche et sa jeunesse vers un autre horizon de 20 à 50 ans plus prometteur parce que mieux appréhendé. Un pays qui se veut signifiant et émergent doit se donner ces exigences et une vision claire dans sa quête du bonheur. Le Sénégal ne se l’est pas encore fixé ; et malheureusement. On est dans sans stratégie et dans la routine qui « administre » l’ordinaire des petits pays sans reflets et sans avenir. La preuve : dans le domaine de l’agriculture, et de la production de la céréale la plus consommée dans le pays, il y a eu certes quelques exposants, mais les femmes rencontrées sur place se plaintes surtout de la méconnaissance de la qualité des variétés exposées.
Du gros riz au grain brisé, la difficulté est dans la manière de préparer ce riz. Sans aucune démonstration, ces braves femmes venues de la région de Saint-Louis, n’en démordent pas et se plaisent à donner des explications orales sans concision alors qu’une simple démonstration et une séance de dégustation suffirait. Il y en a eu certes ; mais, ce n’était pas une priorité. Comment donc consommer local dans ces conditions, se demandent certains clients. Toujours dans le secteur du riz, l’autre grande difficulté est dans la gestion des stocks et le maintien de la qualité des produits consommés.
Combien de temps faudrait-il quand on découvre une espèce pour qu’elle garde ses qualités nutritionnelles ? La Fiara est l’occasion de vendre, mais ces questions peuvent attendre quand il faut écouler la production de saison. L’occasion est d’ailleurs bien belle pour ne pas retourner à Mbane, Richard Toll, Vélingara avec son riz quand l’occasion de faire des affaires est là. C’est le sauve qui peut…
14 éditions. Et après ?
14 éditions. Déjà, pourrait-on se demander ? Le temps est donc venu de faire le point avant l’échéance de mars 2014. Car dans le contenu comme dans la gestion de l’espace, la Fiara peine encore pour beaucoup de producteurs dans la volonté des responsables à se faire simplement de l’argent sur le dos des exposants. Cette réalité est tenace parce que du côté des femmes surtout qui occupent la majorité des stands, les prix fixés à 500.000 FCFA sont exorbitants si on veut les aider à se sortir des processus d’accélération de la pauvreté.
Espace d’échanges et de rencontres, la Fiara est en dehors des marchés hebdomadaires connus dans les villages du nord, du centre et du sud, le seul moment d’intégration des produits et des marchés qui permettent aux producteurs de faire du commerce. Mais, il faut venir à Dakar avec des moyens dérisoires, dans l’espoir de partir les poches pleines. Tout cela coûte beaucoup d’argent que n’ont pas les animateurs de cette fête. Et s’il est bien facile de transporter dans des bouteilles une ou deux tonnes d’huile de palme, de citron, d’orange, de banane plantain ou encore de la pomme de terre, il est plus compliqué de déplacer des moutons, des vaches, moutons, chameaux, chèvres etc. Une autre difficulté est là qui n’a pas encore de solution.
Sans les groupements et organisations non gouvernementales qui les appuient certaines associations seraient absentes de cet évènement. Or, ce sont elles qu’on vise dans ce genre de manifestations. Un exemple, les femmes de la Casamance et du Sénégal Oriental. Incapables de payer deux trois stands, certaines organisations sont obligées de se bousculer dans un petit espace pour exposer les produits qu’elles offrent. Les épines ne finissent pas pour autant à ces milliers de gens qui veulent venir à la Fiara, car en plus des questions de transports inadaptées, s’ajoutent celles liées aux circuits de distribution des zones de production à celles de consommation. Il n’y a aucun débat autour.
Un rendez vous économique pour demain
Où sont aussi les « géants » de l’agroalimentaire qui se font de l’argent au Sénégal et en Afrique de l’Ouest et qui font fi de l’existence de ces espaces d’échanges ? Ils brillent tous par leur absence à la Fiara, de Nestlé aux Grands Moulins en passant par la Compagnie sucrière sénégalaise, l’on sent qu’entre les discours et la réalité du terrain, il existe encore un écart considérable. La faute à l’Etat qui se « moque » de la loyauté des petits producteurs. A quand finalement l’agriculture et l’élevage au Sénégal ? La question mérite d’être posée au moment où l’on vend l’idée de se lancer dans l’agrobusiness ou encore l’agro industrie comme la porte d’entrée d’une bonne économie agricole.
Ne le dites surtout aux producteurs de pomme de terre du département de Podor qui ont proposé pendant cette Fiara, une variété bio, très robuste parce que selon eux, sans ajout d’engrais. Avec un kilo de riz vendu à 500 FCFA, ils ont pu se faire des clients, mais qui ira jusqu’à Podor pour acheter cette production ? L’autre grande faiblesse de l’évènement est à lier à l’absence des cadres d’orientation et de recherche qui doivent influencer l’avenir de la formation aux écoles scientifiques pour demain (biologie, agronomie, ingénierie de l’environnement, sociologie et pastoralisme, médecine vétérinaire, nutrition et santé, biogéographie, hydrologie etc.). Quid des expériences d’embouche bovine et ovine, des productions alimentaires comme le pain local, le lait, le fromage, le beurre, le chocolat.
le sudonline





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