Plusieurs régions du Sénégal sont actuellement
menacées par la famine. C’est le cas en Casamance, où les mauvaises
récoltes et la présence d’une rébellion armée menacent la vie d’une
population dépendante de l’agriculture locale. Reportage.
La vie de Gabriel Tendeng a basculé le 5 mars
1991. Ce jour-là, son village de Badem, en Casamance, est attaqué par
des hommes armés réclamant l’indépendance de cette région du sud-ouest
du Sénégal. "Je vois un grand feu qui allait de maison en maison. De là,
je me suis réveillé, on a réveillé les enfants, on a fui, on est allé
dans les buissons. C'est à partir de là que les rebelles ont commencé à
brûler nos maisons."
Après l’attaque, ce paysan et sa famille sont contraints de
quitter leur village. Comme de nombreux agriculteurs de la région, il
émigre à Ziguinchor, la principale ville de l’ouest de la Casamance, où
il construit une maison en banco (terre crue), afin d’abriter les siens
en attendant que la situation lui permette de rentrer chez lui. Mais 23
ans après sa fuite précipitée, il n’a toujours pas revu ses champs.
Aujourd’hui âgé de 69 ans, il est contraint de louer ou d’emprunter des
terres pour cultiver du riz, son seul moyen de subsistance.
"À Badem, je cultivais mon champ de riz, je cultivais mon
champ de manioc, mon champ de niébé… bref, je cultivais de tout. Là-bas,
je ne manquais de rien. Mais aujourd'hui que je suis déplacé, je ne
peux plus rien avoir", se lamente-t-il.
Une saison des pluies décevante
Gabriel Tendeng n’est pas un cas isolé en Casamance. Comme
lui, la plupart des paysans de la région vivent de la consommation de
leur récolte. Mais les mauvaises conditions climatiques et les effets du
conflit séparatist,e qui dure depuis 1982, font régulièrement planer le
risque de famine.
Plusieurs organisations humanitaires sont engagées dans la
région, où elles distribuent gratuitement du riz aux familles les plus
vulnérables. Mais malgré leur travail, ces ONG assurent que la situation
reste instable en Casamance.
"Il y a toujours la même précarité, par rapport à l'année
2012-2013", constate Fatouma Diadié, la directrice du sous-bureau du
Programme alimentaire mondial (PAM) à
Ziguinchor. "Cette vulnérabilité s'explique par le fait que la saison
des pluies passée n'a pas donné les espoirs escomptés. Les récoltes
n'étaient pas suffisantes", explique-t-elle.
Une dépendance au climat qui fragilise la production agricole
et à laquelle le gouvernement doit s’attaquer en priorité, selon le
président du Conseil régional des ruraux Aziz Badji. "Il faut bâtir
effectivement une politique agricole dans laquelle nous allons suivre
des sous-projets qui doivent nous sortir un programme hydraulique
agricole. Là, on va avoir au moins à aménager nos vallées et nos espaces
agricoles pour permettre que les agriculteurs produisent sur douze
mois."
En attendant la mise en œuvre de ces travaux, la vie de
Gabriel Tendeng et des agriculteurs de Casamance reste suspendue à
l’arrivée de la pluie et à un éventuel retour de la paix dans la région.
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